…Ou les premiers temps difficiles de la Fédération Française des Échecs.
Nous pouvons être reconnaissants de ces personnes qui ont tenu la barre contre vents et marées.
Pierre Vincent, supplément à la revue l’Échiquier, janvier 1926
En 1924, à l’initiative de Pierre Vincent, secrétaire de la jeune Fédération Française des Échecs, est organisé le premier tournoi Olympique d’échecs à Paris durant les jeux Olympiques. Il s’agit de la première « Olympiade d’échecs » pour reprendre le terme actuel.
C’est également à cette occasion, à Paris en 1924, que sera créée la FIDE, Fédération Internationale Des Échecs. J’espère d’ailleurs que le centenaire de l’évènement sera à la hauteur des attentes en 2024 à l’occasion des jeux Olympiques à Paris !
Après Londres en 1927 avec la première olympiade sous l’égide de la FIDE, c’est au tour de La Haye aux Pays-Bas, en 1928, d’organiser une nouvelle olympiade. Un appel à souscription est lancé dans le bulletin de la FFE suite à l’assemblée générale de la FFE du 6 novembre 1927. Quelques inquiétudes transparaissent à la lecture du communiqué.
Bulletin de la FFE – Janvier 1928 - Fonds Mennerat, Belfort
Jeux olympiques — La France, qui a constitué la Fédération Internationale des Échecs, à Paris en 1924, est invitée a envoyer des joueurs aux tournois d’Échecs, qui auront lieu à La Haye, a l'occasion des Jeux olympiques, en juillet 1928. Une équipe de 5 joueurs devrait être envoyée, pour rendre aux nations venues à Paris en 1924 leur politesse.
Trois mille francs sont virés au compte dit olympique. pour indication. La F. F. E. devra toutefois renoncer à être représentée dans les tournois, si l'appel fait à ceux qui s'intéressent à l'honneur national échiquéen fait défaut.
MM. Egeley et L. Monvoisin, rédacteur de la chronique d’échecs de La Liberté, sont spécialement chargés de solliciter des concours généreux, principalement en demandant à toute la presse française échiquéenne l'ouverture d’une souscription : Vingt mille francs sont à trouver par cette voie. Si non, nous déclarerons forfait, par faute de moyens financiers.
Il est question de « tournois d’échecs » au pluriel. Effectivement, à l’époque, les Olympiades consistaient alors en un tournoi par équipe de 4 joueurs (tournoi B) et d’un tournoi individuel (tournoi A).
Comme convenu, un appel à souscription est lancé dans le journal La Liberté du 6 février 1928. Mais d’autres journaux qui ont vent de l’affaire s’y mettent également, par exemple dans le journal La Patrie du 3 février 1928 en première page, avec une pointe d’ironie.
Jeux olympiques — La France, qui a constitué la Fédération Internationale des Échecs, à Paris en 1924, est invitée a envoyer des joueurs aux tournois d’Échecs, qui auront lieu à La Haye, a l'occasion des Jeux olympiques, en juillet 1928. Une équipe de 5 joueurs devrait être envoyée, pour rendre aux nations venues à Paris en 1924 leur politesse.
Trois mille francs sont virés au compte dit olympique. pour indication. La F. F. E. devra toutefois renoncer à être représentée dans les tournois, si l'appel fait à ceux qui s'intéressent à l'honneur national échiquéen fait défaut.
MM. Egeley et L. Monvoisin, rédacteur de la chronique d’échecs de La Liberté, sont spécialement chargés de solliciter des concours généreux, principalement en demandant à toute la presse française échiquéenne l'ouverture d’une souscription : Vingt mille francs sont à trouver par cette voie. Si non, nous déclarerons forfait, par faute de moyens financiers.
Il est question de « tournois d’échecs » au pluriel. Effectivement, à l’époque, les Olympiades consistaient alors en un tournoi par équipe de 4 joueurs (tournoi B) et d’un tournoi individuel (tournoi A).
Comme convenu, un appel à souscription est lancé dans le journal La Liberté du 6 février 1928. Mais d’autres journaux qui ont vent de l’affaire s’y mettent également, par exemple dans le journal La Patrie du 3 février 1928 en première page, avec une pointe d’ironie.
La propagande française…en échec
« Propager le jeu d’échecs en France. c'est servir le pays ! » Ne souriez pas : c’est très sérieux, et cette forme de patriotisme, toute inoffensive, en vaut bien une autre.
Chacun sait que si la boxe est le « noble art », la cavalerie des rois, des dames, des tours, des chevaux et des fous demeure, par excellence, « le noble jeu ». La mode a beau flatter tour à tour le bridge ou le mah-jong, passer par le puzzle pour aboutir à la démocratique belote, le échecs, eux, solides au poste et indifférents à ces engouements, gardent leur faveur, aujourd’hui comme au temps de la Grand Catherine.
Les possesseurs de pièces d’ivoire ont leur Fédération, laquelle possède tout le personnel type, du président au secrétaire technique adjoint (sic). Mais cet état-major est inquiet et c’est pour cela que M. René (NDA – Pierre) Vincent, secrétaire général, nous dit aujourd’hui, sans nulle ironie :
« Propager le jeu d’échecs en France. c'est servir le pays ! »
L’heure est grave pour les échiquiers français !
- Quel péril nouveau les menace ?
- Une défaite d’amour-propre dont ils se laveraient difficilement. Sachez donc qu’en 1928, la France est invitée, à l’occasion des Jeu Olympiques d’Amsterdam, à envoyer aux tournois d’échecs qui seront organisés : cinq joueurs et un délégué au Congrès. Or la Fédération n’a pas les moyens financiers d’envoyer une équipe à La Haye ! Elle ne pourra rendre aux nations qui sont venues à Paris, en 1924, la politesse de répondre à leur invitation, que si les moyens de subventionner le déplacement de ses représentants lui sont fournis. Si nous ne les trouvons pas, sil es pouvoirs publics et les personnes généreuses ne nous viennent pas en aide, la France déclarera forfait pour le tournoi où 23 nations seront représentées. On a trouvé de l’argent pour les muscles, le refusera-t-on au cerveau ?
- Il vous en faut beaucoup ?
- Vingt mille francs. Nous ne sommes pas gourmands.
« Propager le jeu d’échecs en France. c'est servir le pays ! »
L’heure est grave pour les échiquiers français !
- Quel péril nouveau les menace ?
- Une défaite d’amour-propre dont ils se laveraient difficilement. Sachez donc qu’en 1928, la France est invitée, à l’occasion des Jeu Olympiques d’Amsterdam, à envoyer aux tournois d’échecs qui seront organisés : cinq joueurs et un délégué au Congrès. Or la Fédération n’a pas les moyens financiers d’envoyer une équipe à La Haye ! Elle ne pourra rendre aux nations qui sont venues à Paris, en 1924, la politesse de répondre à leur invitation, que si les moyens de subventionner le déplacement de ses représentants lui sont fournis. Si nous ne les trouvons pas, sil es pouvoirs publics et les personnes généreuses ne nous viennent pas en aide, la France déclarera forfait pour le tournoi où 23 nations seront représentées. On a trouvé de l’argent pour les muscles, le refusera-t-on au cerveau ?
- Il vous en faut beaucoup ?
- Vingt mille francs. Nous ne sommes pas gourmands.
Il faut espérer de tout cœur que cet appel sera entendu. Mais il faut espérer aussi qu’une initiative officielle aura à charge de devancer l’aide publique. La propagande gouvernementale a ses mystères. Elle secoue parfois son escarcelle avec un grain de fantaisie.
Lui apparaitra-t-il que le prestige de l’intelligence française à l’étranger s’affirme mieux par un tournoi d’échecs que par un discours ampoulé ?
Laissera-t-elle, faute d’argent, sur ce domaine de l’esprit, mettre la France « échec et mat » ?
Personne ici ne le croira.
Jean Brétigny
Ou bien par exemple dans la presse régionale, dans le journal Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire du 13 février 1928
Lui apparaitra-t-il que le prestige de l’intelligence française à l’étranger s’affirme mieux par un tournoi d’échecs que par un discours ampoulé ?
Laissera-t-elle, faute d’argent, sur ce domaine de l’esprit, mettre la France « échec et mat » ?
Personne ici ne le croira.
Jean Brétigny
Ou bien par exemple dans la presse régionale, dans le journal Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire du 13 février 1928
Source Euronews
Et comme promis, la liste des premiers souscripteurs est publiée dans le bulletin de la FFE d’avril 1928. La somme récoltée est de 1120 francs, bien loin des 20000 francs attendus…
La liste des souscripteurs se termine par « Nous irons à La Haye !... », mais en page suivante la FFE indique qu’il n’y aura pas d’équipe, seulement un représentant pour le tournoi individuel.
Fonds Mennerat - Belfort
La France sera représentée dans le tournoi individuel, véritable championnat du Monde amateur, par son champion André Chéron, champion de France 1926 et 1927.
Nous n’irons pas au tournoi par équipes.
Nous adressons l’expression de notre bien vive gratitude à ceux, trop peu nombreux hélas qui auraient voulu nous voir aller au complet à la grande manifestation internationale de La Haye, en juillet.
C’est avec cette poignée de souscripteurs, grossie de quelques dévoués organisateurs, que notre France échiquéenne poursuit sa marche pénible mais ascendante vers un destin qu’une foi inébranlable nous montre heureux. Quand même !
Puis, après cette note de pessimisme, c’est le mutisme jusqu'en juillet 1928 à quelques jours du début de la compétition.
La Liberté 8 juillet 1928 - Source Euronews
(…) Nous connaissons le nom de tous les représentants des pays étrangers…sauf ceux de nos compatriotes. Peut-être la France n’enverra après tout qu’un concurrent pour le tournoi individuel ? Nous ‘en savons rien, le mutisme de la FFE ne nous permet pas d’écrire quoique ce soit à ce sujet, nous reparlerons si le secrétaire nous en touche un mot…
Le tournoi commencera le 21 juillet et se terminera le 5 août.(...)
(…) Nous connaissons le nom de tous les représentants des pays étrangers…sauf ceux de nos compatriotes. Peut-être la France n’enverra après tout qu’un concurrent pour le tournoi individuel ? Nous ‘en savons rien, le mutisme de la FFE ne nous permet pas d’écrire quoique ce soit à ce sujet, nous reparlerons si le secrétaire nous en touche un mot…
Le tournoi commencera le 21 juillet et se terminera le 5 août.(...)
L. MONVOISIN
Finalement il y aura bien une équipe de France, mais la FFE est peu disert sur l'origine des fonds pour l'envoi d'une équipe et d'un représentant pour le tournoi individuel. Est-ce Lénonard Tauber, principal mécène de la FFE à l'époque qui apporte le complément nécessaire ? La FFE mentionne seulement dans le bulletin d'octobre 1928 des mécènes hollandais.
(...) Retenons que la FFE était représentée dans l'un comme dans l'autre, quelques mécènes hollandais ayant permis le déplacement des équipes.(...)
L'honneur est sauf, il y aura bien une équipe de France aux Olympiades de La Haye de 1928.
La Liberté 15 juillet 1928 - Source Euronews
Tournoi olympique.
La France sera représentée au Tournoi olympique : dans le tournoi A (individuel), par A. Chéron, champion de France ; dans le tournoi B (par équipe de quatre), par A. Muffang, R. Crépeaux, M. Duchamp et L. Betbeder. C’est une excellente équipe, des mieux composées.
Mais restons objectif, qui s'intéresse au jeu d'échecs à part son microcosme ? Gaston Legrain s'en fait l'écho dans sa chronique d'échecs dans l'Action Française.
L’Action Française, 6 août 1928 - Source Euronews
Le Tournoi olympique
Dans une lutte par équipes comprenant quatre de leurs meilleurs amateurs, 17 nations sont réunies à La Haye et s’efforcent de faire valoir leur suprématie dans le sport intellectuel des échecs.
Voilà, direz-vous, une manifestation mondiale vraiment digne d’éveiller la curiosité publique.
Oui, mais il faudrait que notre grande presse d’information daignât en souffler mot. Or, elle ne reproduit même pas les dépêches d’agences qui annoncent chaque jour les résultats. Déplorons ce silence que nous constations déjà, en 1924, au tournoi olympique de Paris.
Ces difficultés, de réunir des fonds pour une équipe de France, s'ajoutent à toutes les difficultés financières de la FFE depuis sa création en 1921. Pierre Vincent, secrétaire de la FFE, est désabusé, la FFE est en crise, et cela fera l'objet d'autres articles...
Le Tournoi olympique
Dans une lutte par équipes comprenant quatre de leurs meilleurs amateurs, 17 nations sont réunies à La Haye et s’efforcent de faire valoir leur suprématie dans le sport intellectuel des échecs.
Voilà, direz-vous, une manifestation mondiale vraiment digne d’éveiller la curiosité publique.
Oui, mais il faudrait que notre grande presse d’information daignât en souffler mot. Or, elle ne reproduit même pas les dépêches d’agences qui annoncent chaque jour les résultats. Déplorons ce silence que nous constations déjà, en 1924, au tournoi olympique de Paris.
Ces difficultés, de réunir des fonds pour une équipe de France, s'ajoutent à toutes les difficultés financières de la FFE depuis sa création en 1921. Pierre Vincent, secrétaire de la FFE, est désabusé, la FFE est en crise, et cela fera l'objet d'autres articles...
Bulletin de la FFE, octobre 1928 - Fonds Mennerat, Belfort
Appel à nos amis
Dans quelques semaines nous nous réunirons en assemblée générale. La grave question de notre existence doit y être examinée. Déjà nos appels ont été nombreux ; déjà nous avons fait part de notre détresse, et secourus en temps utile par des mécènes, nous avons vécu au jour le jour, mais nous avons vécu. Nous avons grandi en nombre. Nous avons formé des Cercles. Nous avons fait des adeptes. Nous sommes a la veille d’interrompre cet effort
de persévérance, parce que les cotisations ne rentrent pas, et que nos fonds sont pratiquement épuisés (…)
En ce qui me concerne, cinq années de mendicité perpétuelle, de rebuffades, d’inutiles campagne, m’ont désabusé et profondément lassé.(…)
Appel à nos amis
Dans quelques semaines nous nous réunirons en assemblée générale. La grave question de notre existence doit y être examinée. Déjà nos appels ont été nombreux ; déjà nous avons fait part de notre détresse, et secourus en temps utile par des mécènes, nous avons vécu au jour le jour, mais nous avons vécu. Nous avons grandi en nombre. Nous avons formé des Cercles. Nous avons fait des adeptes. Nous sommes a la veille d’interrompre cet effort
de persévérance, parce que les cotisations ne rentrent pas, et que nos fonds sont pratiquement épuisés (…)
En ce qui me concerne, cinq années de mendicité perpétuelle, de rebuffades, d’inutiles campagne, m’ont désabusé et profondément lassé.(…)
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