dimanche 27 juin 2021

Le Cercle Philidor en 1925

En 1925, le cercle Philidor publie une monographie dans laquelle se trouve un historique, ses statuts, sa liste des membres avec leur adresse, ainsi que des croquis et photos de quelques joueurs d’échecs.
À cette date, il est, avec l’association « Les Échecs du Palais-Royal » (issue de la dissolution de l’Union Amicale des Amateurs de la Régence en 1918), le cercle d’échecs le plus important de Paris depuis une quarantaine d'année. 

J’ai pu consulter ce document exceptionnel lors de ma visite du fonds Mennerat à Belfort. Il y a là matière à plusieurs articles, et le premier sera consacré à deux photographies et un plan présents dans ce document.

Fonds Mennerat (Belfort) - Monographie du Cercle Philidor (Paris 1925, Kador) - Côte FM ASS 87

Texte sous la photo :
Salle du Cercle
Salle réservée aux Séances de Maîtres, Assemblées Générales, Banquets, etc. (A droite, sur un socle, buste de Paul Morphy, par Le Quesne) Cliché Braunstain.  

Il me semble possible d'identifier plusieurs célébrités des échecs sur cette photo.
Voici mon interprétation actuelle (sauf pour Morphy où c'est indiqué sous la photo) :




1 - Wilhelm Steinitz
2 - Alexandre Alekhine
3 - Harry Nelson Pillsbury
4 - Gravure de Laemlein du match Saint-Amant / Staunton
5 - Adolf Anderssen
6 - Buste de Morphy par Lequesne

Zoom sur les échiquiers ...

... des pièces de type "Régence"...

...On distingue quelques pendules sur une table au fond de la salle.

Ci-dessous une photographie également présente dans la monographie.
Le texte en dessous de la photo est le suivant (l'adresse se trouve dans le 10ème arrondissement de Paris):

La façade du Café de la Terrasse, 30, boulevard Bonne-Nouvelle, siège du Cercle Philidor (Cliché Brauntain).

Fonds Mennerat (Belfort) - Monographie du Cercle Philidor (Paris 1925, Kador) - Côte FM ASS 87

Le café n'existe plus et un immeuble a été construit à cet endroit.

Google Map - 30 boulevard Bonne Nouvelle de nos jours.

À noter qu’avant la 1ère guerre mondiale, le Cercle Philidor se trouvait à la Brasserie Russe, 39 boulevard du Temple, dans le 3ème arrondissement de Paris, près de la place de la République.

Et sur la dernière page de cette monographie se trouvent tous les renseignements pour venir au Cercle Philidor en transports en commun, tramway, autobus, métro... ! 

Fonds Mennerat (Belfort) - Monographie du Cercle Philidor (Paris 1925, Kador) - Côte FM ASS 87

samedi 26 juin 2021

Un automate à la Régence

Une des énigmes du Café de la Régence concerne la présence à un moment donné du célèbre automate Turc joueur d'échecs. Il s'agit de ce que j'appelle le mystère numéro 4 du Café de la Régence.

Certes, plusieurs joueurs de la Régence ont animé le Turc (Mouret et Boncourt par exemple) ou plus tard d'autres automates joueur d'échecs comme Ajeeb ou encore Mephisto animé par Jean Taubenhaus (lors de l'exposition universelle à Paris en 1889), mais dans toutes les sources que j'ai pu consulter il n'a jamais été fait mention de la présence d'un automate joueur d'échecs dans le sanctuaire des échecs.

Par contre ma curiosité fut piquée quand j'ai découvert cette annonce du 18 janvier 1846 dans le journal Le Constitutionnel (Source Retronews) :

Aujourd'hui Dimanche, l'exhibition du célèbre Canard de Vaucanson et de l'éléphant mécanique, place du Palais-Royal, 243, au-dessus du Café de la Régence. Prix d'entrée : 2 fr. par personne. Les Enfants au-dessous de dix ans payent 1 fr.

D'autres journaux, L'Esprit Public ou encore Le Tintamarre du même jour porte la même réclame.
Ce jour-là, la foule a du se presser au Café de la Régence pour observer ces automates. 

Je vous invite à lire l'article très complet et de qualité sur Wikipedia au sujet du Canard de Vaucanson.
Un célèbre automate du XVIIIe siècle.

Pour revenir au Café de la Régence, voici à quoi il ressemblait vu de l'extérieur à cette époque.
Une gravure assez connue, que j'ai déjà utilisée, parue dans le livre Tableaux de Paris, d'Edmond Texier - 1852.

Source Gallica.

Voici également un croquis que j'ai déjà publié et qui date de (circa) 1853 juste avant la destruction du Café de la Régence.

Recueil de dessins – Expropriations de 1852 – 1854 pour le prolongement de la rue de Rivoli
Gabriel Davioud (1823-1881), architecte, inspecteur général des travaux d’architecture de la Ville de Paris. Source : archives numérisées des bibliothèques Parisiennes.

Une note manuscrite nous indique que l’enseigne du Café de la Régence est grise et que les lettres formant les mots « Café de la Régence » sont rouges...D'où ce magnifique coloriage de ma part :-)

En tout cas, à cette époque le premier étage du Café de la Régence est la propriété de Claude Vielle, également propriétaire du Café de la Régence. Il y héberge le Cercle des Échecs de Paris. Est-ce dans le grand salon du Cercle, là où s'est joué le match entre Saint-Amant et Staunton en fin d'année 1843 que se déroule l'exhibition ? Je n'ai pas encore la réponse à cette question.

Pour revenir à ce célèbre canard, la presse de l'époque a déjà annoncé, quelques jours avant, son arrivée à Paris

Jacques Vaucanson (1709 - 1782), tableau daté de 1784 (donc peint après sa mort par Joseph Boze)

Le Journal des débats du 7 janvier 1846 (Retronews)

LE CANARD DE VAUCANSON. 

On parle depuis quelques jours de l'arrivée récente à Paris du fameux Canard de Vaucanson, oublié depuis près d'un siècle, et dont les pièces, désunies et délaissées faute d'un artiste capable de restituer le chef-d’œuvre du maître, viennent, après quatre ans de travail, de recherches et de fatigues inouïes, d'être enfin reconstituées. 

On sait qu'après l'exhibition faite par Vaucanson lui-même, en 1738, de son canard automate, cette pièce importante avait passé en Allemagne avec d'autres mécaniques inférieures, telles que le joueur de flûte, le joueur de chalumeau, etc. Eh bien! ce canard automate que des millions ne pourraient payer, cette nature pour ainsi dire vivante, qui barbote, qui bat des ailes, qui chante, qui mange, qui digère, dont tout le corps, dont chaque plume éprouve le frémissement de la vie, tout cela était oublié chez un hôtelier; mais alors c'était la nature morte. 

Rachetée enfin par l'ingénieur habile qui lui a rendu la vie, cette merveille est arrivée, et Paris va voir bientôt, dans toute la nouveauté de sa résurrection, ce nec plus ultra de la mécanique du dernier siècle et du nôtre.


Le canard de Vaucanson
Schéma du « Canard digérateur »
Jacques Vaucanson (1709-1782), auteur, 1739.
BnF, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, SMITH LESOUEF R- 6185 (2)


Inventeur et mécanicien français, Jacques Vaucanson est célèbre pour ses automates qui reproduisent les êtres vivants. En 1738, il présente un « Joueur de flûte » de 1,50 m qui joue de la musique comme un humain, avec des mouvements de lèvres, de doigts, et le contrôle du souffle. 
Plus sophistiqué, le « Canard digérateur » bouge les ailes, cancane, ingère des graines et les « digère » aussi, avec un réalisme caractéristique du courant pédagogique de l’époque. 
Le mécanisme, placé dans l’imposant piédestal, est visible par tous, dans le but de montrer la complexité du travail accompli. La digestion relève de l’exploit : le canard semble rendre ce qu’il a avalé après une véritable digestion ! 
Au-delà de l’effet de salon, la conception d’automates marque une étape importante dans la mécanisation, qui ouvre des perspectives pour l’industrie naissante au XVIIIe siècle.

Titre : Canard présumé de Vaucanson 
Légende : Dispositif du canard digérateur présumé de Jacques de Vaucanson
Milieu du XIXe siècle - Source : photothèque des arts et métiers
Le canard semble bien déplumé...

Parmi tous les articles concernant le canard, je n'en ai trouvé qu'un seul qui mentionne l'éléphant, l'autre automate de la réclame du début de cet article. Celui-ci n'a le droit qu'à une seule petite ligne, tant il doit faire pâle figue à côté du canard de Vaucanson. 

Journal La Presse du 19 janvier 1846 (Retronews)

Le canard de Vaucanson. 

Il n'est pas que vous n'ayez entendu parler quelquefois du canard de Vaucanson ; vous le connaissez, ne fût-ce que par l'annonce si opiniâtrement répétée sur les prospectus de librairie d'un roman de ce nom que devait écrire notre ami Gérard de Nerval, et dont sa paresse occupée et rêveuse nous privera probablement longtemps encore ; et vous vous êtes sans doute demandé ce qu'était devenu ce fameux canard, chef-d’œuvre de mécanique si admiré par le dix-huitième siècle. 

— La mode des automates passée, le canard illustre se vit peu à peu délaissé, la poussière de l'oubli s'entassa de plus en plus épaisse sur ses plumes; de l'armoire, il fut relégué au grenier, et là, sentant d'année en année se détendre dans son ventre les ressorts de sa vie factice, il put réfléchir au néant de la gloire, aussi fallacieuse pour les héros que pour les automates. 

Il vient d'être retrouvé dans une petite ville de Suisse ou d'Allemagne, et payé douze cents francs à son propriétaire. Ce qu'il a fallu de soins et d'argent pour remettre en état son anatomie intérieure détraquée ; on se l'imagine aisément. Cette reconstruction n'a pas celé moins de quarante mille francs; et cela n'étonnera personne, si l'on songe que Vaucanson avait eu dans ce canard l'ambition de rivaliser avec la nature et de simuler la vie. 

Son canard faisait kan-kan comme s'il fût sorti d'une mare, mangeait, digérait et le reste, à la grande surprise des assistants, dont l'admiration augmentait encore lorsque l'automate, dépouillé de sa peau, permettait d'apprécier la quantité de roues; d'engrenages, de ressorts, de fils de rappels, de volants et de contrepoids nécessités par ses fonctions si diverses. 

Le canard de Vaucanson se fait voir sur la place du Palais-Royal, au-dessus du café de la Régence. Comme autrefois il bat des ailes, écarte les plumes de sa queue avec ce frétillement joyeux, particulier aux palmipèdes de son espèce, tourne la tête à gauche et à droite, fait claquer son bec pour détruire les parasites qu'attire la tiédeur de son duvet, courbe son col avec grâce et prend dans la mangeoire des gorgées de grain mouillé qu'il avale avec une gloutonnerie bien imitée. 

La déglutition achevée, la digestion commence et bientôt l'on en fait passer sûr un plat d'argent les résultats au public. — O belles lectrices, brûlez ici une de ces pastilles aromatiques, faites fumer une de ces cassolettes dont M. Debay donne la recette dans son traité des Parfums et des Fleurs. N'est-il pas regrettable qu'un homme de la force de Vaucanson ait usé tant de patience et de génie pour faire commettre une incongruité à un canard de bois ! 

Avec le canard on montre aussi un éléphant qui rentre dans les vulgarités des pièces mécaniques.

jeudi 24 juin 2021

Les Stratagèmes des Échecs

Suite à ma publication il y a quelques jours de l'article sur Lord Egerton, Herbert Bastian m'a signalé une erreur et il m'a surtout envoyé un fantastique article paru dans la revue Schach d'août 2020. Je le remercie tout particulièrement pour les informations qu'il m'a envoyées et que je publie dans cet article.

Cet article dans Schach est le fruit d'une enquête de plusieurs années principalement de sa part au sujet de l'auteur du recueil de problèmes d'échecs paru en 1802 et intitulé "Les Stratagèmes des Échecs". 
L'article est en allemand, mais avec Google Traduction et l'aide d'Herbert j'ai pu en extraire l'essentiel que je vous présente ici. Je mentionne les noms des personnes qui ont précédé ou aidé Herbert dans cette enquête.

L'erreur au sujet de mon article sur Egerton concerne le nom de l'auteur du livre "Les Stratagèmes au Échecs". Une recherche rapide sur internet montre que celui-ci est appelé Alfred Montigny, ce qui ne correspond pas à la réalité.

Plusieurs éléments permettent d'indiquer que le vrai nom de l'auteur est en fait Clément Félix Brossier Montigny. Le premier indice provient du Palamède de 1845, où un collectionneur, Camille Théodore Frédéric Alliey (1799 - 1856) écrit une lettre à Saint-Amant où il parle notamment de Montigny et évoque son âge. 

En voici quelques extraits, et vous pouvez trouver le Palamède de 1845 ici.






Alliey donne une indication intéressante avec l'âge de Montigny au moment de son décès : 72 ans en 1840.
Les archives reconstituées de la ville de Paris, permettent de trouver une fiche au sujet d'un "Montigny" décédé en 1840 (découvert par Pierre Baudrier).

Archives numérisées de la ville de Paris
Côte : Montigny (1789) Montigny (1843) Décès V3E/D 1081

Et ceci a été confirmé à Herbert Bastian par la découverte de la bibliographie d'Alliey dont il a obtenu une copie de la part de la bibliothèque municipale de Grenoble en 2019.

Montigny, Clément Félix Brossier, né à Dijon le 23 novembre 1768 et mort à Paris le 18 janvier 1840

Dédicace de Montigny à Alliey en son nom.
"Br." correspond à l'abréviation de "Brossier"
Source : communication de la bibliothèque de Grenoble par Mme Marie-Françoise Bois-Delatte

Herbert indique que Montigny est bien connu de la scène échiquéenne parisienne de la première moitié du XIXe siècle comme l'indique son nom qui apparaît à de nombreuses reprises dans Le Palamède.

Exemple avec Le Palamède de 1836...

... Ou encore celui de 1837

Herbert Bastian explore le contenu du livre et parle d'un système de notation des positions d'échecs assez novateur, et très proche de notre notation algébrique. Une idée prise à Stamma ?


Il parle également d'une variante du jeu d'échecs très en vogue au début du XIXe siècle à Paris, le pion coiffé (où l'on s'engage au début de la partie à mater avec ce pion), où seule l'expression pion marqué était usité avant 1802. Et l'on retrouve le nom de Montigny lors des rencontres chez Lord Egerton. Montigny y nota les parties jouées par Deschapelles, j'espère qu'elles ne sont pas perdues et qu'elles seront découvertes un jour...

Pion coiffé ou pion marqué, interprétation d'Herbert Bastian :-)
Les Stratagèmes des Échecs

La suite de l'article apporte des éclaircissements très intéressants sur le rôle de Montigny. 
Sur le site internet de la bibliothèque de Cleveland aux Etats-Unis se trouvent trois carnets manuscrits intitulés "Les Stratagèmes aux Échecs". En voici le lien.

L'analyse d'Hebert Bastian montre que le premier carnet est très probablement le manuscrit original de Montigny. Voici quelques éléments :

Le Manuscrit
Le livre "Les Stratagèmes des Échecs"

 
Le Manuscrit

Le livre

Pour le deuxième carnet, Frank Hoffmeister (cité par Herbert Bastian) a fait une découverte remarquable. Ce carnet est très proche du manuel d'échecs de La Bourdonnais publié en 1833 et intitulé "Nouveau traité du jeu des Échecs".

La conclusion de l'analyse du deuxième carnet par Frank Hoffmeister serait que Montigny a écrit une bonne partie du "Nouveau traité du jeu des Échecs", en collaboration avec La Bourdonnais qui ajoute le chapitre spécifique au jeu à handicap (où un camp rend un pion, un cavalier etc.). A noter que les diagrammes d'échecs présents dans le deuxième carnet se retrouvent dans le livre de La Bourdonnais, et qu'un système de notation très proche du livre de Montigny est utilisé. Pour autant ce ne sera pas ce système de notation que La Bourdonnais utilisera en 1836 pour Le Palamède, ce qui est également un élément en la faveur de Montigny comme co-auteur principal.

Nouveau Traité du jeu des Échecs - La Bourdonnais, 1833

Du milieu des parties - livre de La Bourdonnais

Du milieu des parties - 2ème carnet de Montigny
Le texte est similaire, avec la même écriture que le premier carnet.

Enfin le troisième carnet contient en partie des positions d'échecs postérieures à la mort de Montigny, c'est-à-dire publiées dans les années 1845/1860. Ce carnet a donc été co-rédigé par Montigny puis par un des propriétaires suivant du carnet qui est à ce jour inconnu. S'agit-il de Saint-Amant ? 

Herbert Bastian est sûr que Saint Amant a eu les carnets en sa possession pendant un certain temps. 
En effet, une partie des exercices a été publiée entre 1844 et 1847 par Pierre Charles Fournier de Saint-Amant (1800-1872), le meilleur joueur français de l'époque, dans sa chronique d'échecs dans le journal  L'Illustration

Enfin, Herbert Bastian indique qu'un joueur du nom de Montigny apparaît dans la revue La Régence en 1856. Il est surnommé "Le petit La Bourdonnais". Ce joueur décède en 1857 et pourrait être le petit fils de Clément Félix Brossier Montigny.

Pour terminer, Herbert Bastian remercie ses prédécesseurs et les personnes qui l'ont aidé dans cette recherche: Manfred Mittelbach, le Dr. Michael Negele, Pierre Baudrier et Frank Hoffmeister.

Voici l'article intégral d'Herbert Bastian paru de la revue Schach d'août 2020, avec l'aimable autorisation de M. Raj Tischbirek.


mercredi 23 juin 2021

Le Café Morillon

Le Café Morillon est un lieu central pour le jeu d'échecs durant la période de 1796 à 1802.
Pendant la Révolution Française, le propriétaire du Café de la Régence, François Haquin, n'était manifestement pas très intéressé par les échecs et les joueurs s'étaient éparpillés dans les cafés du Palais-Royal (alors le Palais Egalité puis le Tribunat). 

Il y avait bien le Salon des Échecs au-dessus du café de Foy, mais celui-ci avait dû arrêter son activité au début de l'année 1796 (voir l'article au sujet du Salon des Échecs au café de Foy, 1er cercle d'échecs en France).

Néanmoins quelque chose ne va pas dans cet article que j'ai écrit sur le Café de Foy, car dans le livre "Une journée de Paris 1796, 1797 – Paris An cinquième, par Ripault", que je cite, il est écrit

"(...) Je me présentai au café de la Régence ; les habitués de l’échiquier l’avaient quitté, et s’étaient établis en face de ce même café. Je lus, au-dessus de la porte : Salon des échecs.(...)"

En face de ce même café... Comme je le pensais à tort précédemment, cela ne pouvait pas être au Café de Foy qui se trouve à plusieurs centaines de mètres de la Régence, dans les jardins du Palais-Royal.

L'explication est arrivée après quelques recherches. En fait, après la fermeture du Cercle des Échecs au-dessus du Café de Foy, le Salon des Échecs s'est retrouvé au café Morillon (du nom de son propriétaire), juste en face du Café de la Régence.

L'Almanach du Commerce de Paris de l'année 1798 donne l'adresse du Café Morillon

Morillon, rue Honoré n°1362 - de la Buttes-des-Moulins

On voit apparaître le Salon des Échecs en 1802, année où Morillon cesse son activité manifestement.
En effet Morillon disparaît de l'Almanach du Commerce de Paris après 1802.
Ceci explique sans doute pourquoi le Salon des Échecs se déplace à nouveau cette année-là.

Source Retronews - Journal de Paris du 2 août 1802 (Dimanche 20 Thermidor - An X).

"Le Citoyen Morillon prévient les amateurs du jeu des Échecs, qu'à compter du 25 du courant, le SALON DES ÉCHECS, se tiendra chez le Citoyen Genella, au 1er, rue St Honoré, n°1371, passage de la Cour des Maures".

Revenons aux adresses : le Café Morillon est au 1362, tandis que le Café Genella est au 1372 (puis au 216 de la rue Saint-Honré selon une nouvelle numérotation) de 1802 jusqu'en 1808.
Le 1371 est probablement une erreur du Journal de Paris car on trouve plutôt le 1372 dans l’Almanach du Commerce de Paris.

Ainsi en 1802 nous avons le Café Moullon (Sic) au 1362 et le Café Genella au 1372 de la rue Saint-Honoré.

En bas de l'image "Moullon" pour Morillon au 1362.

et Genella au 1372, juste à côté.

Ce site internet m'a permis de localiser avec précision ces différentes adresses  
Puis la consultation du cadastre de 1810/1836 en ligne de la ville de Paris permet de les situer sur une carte.

C'est dans ce café que Deschapelles raconte avoir appris à jouer aux échecs en quelques jours selon sa légende et comme le raconte Saint-Amant dans la nécrologie qu'il publie en 1847 dans Le Palamède. Voir plus loin.

Source : Archives de Paris - Cadastre par îlot 1810-1836
6e quartier Palais-Royal îlots n°1 à 3 F/31/75/22

R : Emplacement du Café de la Régence
M : Emplacement du Café Morillon - Salon des Échecs de 1796 à 1802
G : Emplacement du Café Genella - Salon des Échecs de 1802 à ?
F : Emplacement du Café de Foy - Salon des Échecs de 1777 à février 1796

En zoomant sur le plan (CR : Café de la Régence - CM : Café Morillon - CG : Café Genella)

Après ces considérations géographiques, la question suivante qui me vient à l'esprit est : 
Quand le jeu d'échecs revient au Café de la Régence ?

Je pense qu'il est possible de dater ce retour un peu avant 1807, comme cela est écrit dans "Les Échecs, poème en quatre chants par feu l’abbé Roman – Paris 1807" (page 25) 

« (…) Le jeu des échecs, du temps de Philidor, fut en grande faveur à Paris (…) La Révolution renversa pendant plusieurs années presque toutes les idées libérales, dispersa les habitués du café de la Régence (…) Le café de la Régence reprend son ancienne splendeur, et les amateurs d’échecs y reviennent s’exercer autour du buste de Philidor. »

Manifestement le nouveau propriétaire des lieux, Beaupied, a réussi à attirer les joueurs d'échecs et à les faire revenir !


Source Gallica - Almanach du commerce de Paris en 1803
Beaupied (Café de la Régence), Place du Tribunat - Tuileries

Pour terminer, voici la fameuse histoire au sujet de Deschapelles et comment il explique avoir appris à jouer aux échecs. M. Herbert Bastian pense que Deschapelles a appris à jouer aux échecs durant son séjour à l'école de Brienne quand il avait une dizaine d'années. Ceci semble plus raisonnable...

Le Palamède - 1847


« En 1798, pendant un congé que je (Deschapelles) vins passer à Paris, je me promenais dans le Palais-Royal, ne sachant encore ce que je ferais de ma soirée. 
J'entrevois un endroit médiocrement éclairé (le Café Morillon), où quelques hommes, la plupart âgés, semblaient parfaitement préoccupés. 
Je n'avais pas encore vu un Échiquier, et ma curiosité fut piquée. 
Je me présentai à la porte et demandai à une espèce de garçon de salle, ce qu'on faisait dans l'intérieur, et si un étranger pouvait y être admis. 


Il me répondit qu'on jouait aux Échecs et que c'était une société particulière, dans laquelle on n'était admis qu'à certaines conditions : payer douze sous par mois et écrire son nom sur un livre. 
Je lui jetai un écu de six livres en lui disant : voilà pour dix mois, et ne voulant pas donner mon nom à cause de mes parents encore dans l'émigration, j'inscrivis sur le registre Philiam, c'était le nom d'un petit chien qui m'accompagnait. 
On estropia depuis ce mot, car c'est sous le nom de William que je fus introduit. 
Depuis, on m'a longtemps appelé de ce nom ; fort indifférent à la gloire de remuer mieux qu'un autre de petits morceaux de bois, je ne réclamai pas contre le sobriquet. »
 
M'étant fait indiquer celui qui passait pour l'aigle, je pris place à côté de lui, et pendant deux heures je suivis attentivement son jeu. 
Ses secrets, d'abord impénétrables pour moi, se développèrent rapidement à mon esprit, et sans l'heure trop avancée, je crois que j'aurais eu la témérité d'attaquer tout de suite M. Bernard, que je venais de voir jouer. 
Je ne m'étais pas permis un mot, et mes premières paroles (qui firent une espèce de sensation) furent pour demander à M. Bernard s'il me ferait l'honneur de m'accepter pour son adversaire.

— Dès demain, mon jeune citoyen, si cela vous est agréable. 
— L'heure et le lieu? 
— À sept heures du soir, ici. 
— Vous n'aurez pas à m'attendre. 

Une espèce de rumeur dans l'assemblée sembla nous assurer pour le lendemain une nombreuse galerie. Je sortis après m'être incliné, et jusqu'au moment de la rencontre que je venais de provoquer, j'avoue à ma honte que je n'y pensai pas une seule minute. — Je fus pourtant exact, et je trouvai la même réunion discutant avec animation. Tout cessa quand j'eus pris place en face de M.Bernard qui m'avait devancé autour de l'Échiquier. En prenant deux Pions de différentes couleurs dans ses mains pour tirer le trait, il me demanda si je désirais un avantage. 

— Pour quoi faire? lui dis-je.
— Comme il vous plaira; votre jeu? 
— Le vôtre, Monsieur. 
— Nous jouons ordinairement 24 sous.
— Soit. Je désignai sa main gauche, et il en laissa tomber un Pion blanc, qui était celui de la couleur des pièces devant lui. 
— À moi le trait, dit-il avec un air de satisfaction, que je partageai, car il me sembla que je serais moins embarrassé de ne jouer que le second. 

Je dois déclarer que les premiers coups ne me parurent pas aisés. 
Je pris quelque mauvaise disposition, sans doute, et ma partie fut perdue assez promptement. 
Je réclamai la revanche pour laquelle M. Bernard prit encore le trait, comme gagnant, suivant la règle d'alors; mais cette fois-ci je corrigeai ce qui m'avait paru défectueux la première fois, et la partie fut longue et vivement disputée.

Cependant je perdis encore ; pour le coup je sentis le rouge me monter au visage, et ma confusion fut grande, malgré les compliments que me décerna la galerie ; j'aurais passé la nuit pour prendre ma revanche ; mais M. Bernard tirant gravement sa montre, me dit qu'il était dix heures et demie et que c'était le moment de se retirer. Je posai sur l'Échiquier un petit écu en échange duquel il me remit une pièce de 12 sous, qu'en sortant je donnai au garçon. Rendez-vous fut pris pour le lendemain à la même heure. J'arrivai piqué au jeu et dans des dispositions toutes différentes de la veille. J'avais la sottise d'être honteux de moi-même pour le rôle que j'avais joué.
 
La revanche fut éclatante, et à l'exception d'une partie remise, M. Bernard les perdit toutes. Je pouvais lui donner Pion et deux traits. Depuis cette époque je n'ai fait aucun progrès, et ne pouvais pas en faire. En trois séances au plus, et j'en juge d'après ce qui m'est arrivé, on doit savoir aux Échecs tout ce qu'on peut y apprendre et y devenir. Y consacrer plus de temps serait une puérilité. Il est des personnes qui ne pensent peut-être pas comme moi, et je ne discuterai jamais avec elles ; je n'ai point mission de rectifier leur jugement ; mais mon opinion, à moi, n'est susceptible d'aucune modification. Si l'on n'a pas de disposition pour bien jouer aux Échecs, pourquoi y perdre un temps qui peut être plus utilement employé ailleurs? Du reste, je trouve que presque tout le monde joue suffisamment bien, et j'ai rencontré, dans ma vie, cent bons joueurs pour un qui n'y entendait rien. Une nuance si faible nous sépare les uns des autres que l'on peut dire, que nous sommes tous de la même force. »
 
Quelque incroyable que tout ceci puisse paraître à ceux qui n'ont pas connu Deschapelles, c'est d'une exactitude telle qu'il n'y a pas un mot à changer. Mais il faut avoir vu son air froid, calme, sévère et consciencieusement pénétré, pour en avoir une idée complète. C'était la dernière conversation de Socrate avec ses disciples par le recueillement et la soumission avec laquelle il fallait écouter. — Le moindre mot, la plus légère observation, il s'arrêtait, et ne reprenait pour continuer, que lorsque le silence était revenu. En général, on ne discutait pas avec Deschapelles , il aurait fallu se fâcher. Ceux qui le connaissaient se conformaient ; les étrangers n'acceptaient pas toujours aussi complaisamment. — Qu'arrivait-il ? Deschapelles finissait et s'éloignait. — Nous l'avons entendu répondre à un de nos bons joueurs d'Échecs qui avait voulu hasarder une simple question, — « Brisons là, Monsieur, nous ne lisons pas dans le même Dictionnaire. » 

Il fallait donc, quand il était en train de causer, ou écouter, ou le fuir ou bien l'interrompre, et priver ainsi tout l'auditoire de l'entendre. C'était imposer une grande privation que de le rendre silencieux, car son langage n'était pas celui de tout le monde. Il abondait en traits originaux, en pensées hardies, dont on était toujours bien libre de ne prendre que ce que l'on voulait. Il tranchait avec aplomb ; mais il faisait bonne part à tout le monde, tout en se réservant celle du lion. 

Du reste, il n'acceptait un interlocuteur qu'avec précaution; quand il le connaissait peu ou qu'il ne lui revenait pas, il n'ouvrait pas la bouche. Nous l'avons vu une fois dans le jardin du Palais-Royal, assailli par l'ancien entrepreneur du Club d'Échecs des Panoramas, dont il était très mécontent. En vain ce pauvre diable s'évertua-t-il à lui expliquer sa position sur tous les tons et avec autant de douceur que d'humilité, chaque fois qu'ils arrivaient au bout de l'allée, au moment de tourner, Deschapelles lui disait en s'inclinant un peu, et d'un air froid et glacial : « J'ai bien l'honneur de vous saluer. » Ces mots, répétés pendant dix tours de promenades, furent les seuls qu'il laissa échapper et toujours sur le même diapason. » 

Le Palamède - Novembre 1847 - Article nécrologique de Saint-Amant sur Deschapelles


dimanche 20 juin 2021

Alexandre Alekhine en 1932 à la Régence

Le 28 février 1932, Alekhine donne une formidable exhibition à l'hôtel Claridge à Paris. Il joue simultanément contre 60 équipes de 5 joueurs, et la presse se fera l'écho de cet exploit qui mérite un article à lui seul sur ce blog.

Est-ce cette photo d'Alekhine qui était accrochée sur un des murs de la Régence ?

Mais ce qui m'intéresse présentement, c'est une courte entrevue d'Alekhine publiée dans le journal "L'écho de Paris" ce même 28 février. Le journaliste était au courant de l’événement en préparation, et il rencontre la veille Alekhine au Café de la Régence. 

Lors de l'écriture de mon livre sur l'histoire du Café de la Régence, j'avais eu l'occasion de m'entretenir avec César Boutteville, alors un des derniers témoins du Café de la Régence. Même si M. Boutteville était fatigué (il avait alors près de 95 ans) et m'avait dit ne pas vouloir remuer le passé, il m'avait néanmoins communiqué deux informations au sujet d'Alekhine et du Café de la Régence : Alekhine jouait au bridge (!) plutôt qu'aux échecs lorsqu'il venait à la Régence, et il y avait un de ses portraits accroché sur un mur.

Comme vous pourrez le lire dans l'article ci-dessous, Alekhine est accompagné par sa compagne depuis 10 ans à l'époque, Nadejda (appelée Nadine en France, selon l'historien Russe Youri Sabourov) Semionovna Vassilieva (née Fabritskaïa). Quelques mois plus tard, Alekhine partira autour du monde pour une tournée de simultanées et rencontrera Grace Wishaar avec qui il se mariera par la suite.

Source - Alekhine (au centre) avec sa compagne Nadjeda lors du championnat du monde contre Capablanca à Buenos-Aires en 1927

L’écho de Paris – 28 février 1932 - Source Retronews


Avant un record sensationnel
Avec Alexandre Alekhine Champion du monde des échecs

« - Tu vois ce jeune homme blond là-bas, avec sa carrure d’athlète et ses yeux bleus ? Eh ! bien, c’est Alekhine.
- Le célèbre joueur d’échecs, le champion du monde, qui va livrer demain un assaut contre trois cents adversaires.
- Lui-même
- Présente-moi
Nous sommes justement et, comme par hasard, au café de la Régence, célèbre depuis plus de deux cents ans pour ses tournois d’échecs.
Alekhine est très paisiblement, avec Mme Alekhine, assis devant des consommations et il n’a pas l’air très préoccupé du tournoi mémorable qu’il va livrer. C’est ce que nous ne pouvons nous empêcher de lui dire.
- Oh ! nous dit-il en souriant, je ne passe pas ma vie à penser aux échecs. C’est un art auquel je me livre avec passion, comme à tous les sports – car je suis très sportif – mais en dehors des championnats ou des livres techniques que j’écris sur la question, je suis, croyez-le bien, un homme comme les autres. Les échecs n’ont jamais empêché personne de faire de la poésie, et c’est mon cas. Je prétends même qu’il y a de la poésie dans les échecs, et de la beauté, comme dans tout problème.
- Mon mari est si peu l’homme d’une seule chose, nous confie Mme Alekhine, que si vous veniez chez nous, je ne sais même pas si vous trouveriez un échiquier. En tout cas, il doit être dans quelque coin, couvert de poussière. Il ne joue jamais chez nous.

Source : Collection Roger-Viollet
Hélas ce n'est pas au Café de la Régence que fut prise cette photographie d'Alekhine, mais au Café de la Paix, place de l'Opéra

Nous voudrions faire parler le champion, qui est non seulement la plus grande autorité en matière d’échecs, mais encore le recordman mondial du jeu sans voir (contre vingt-huit adversaires), de sa méthode et de sa manière. Il s’y prête avec une charmante bonne grâce, car Alekhine, qui aligne je ne sais combien de records, est extrêmement modeste.

- Je crois que je suis un visuel, nous dit-il, mais ce n’est pas sûr, car, lorsque je joue sans voir, je n’évoque pas les échiquiers, mais la tactique logique engagée par moi contre chaque adversaire en particulier. C’est l’adversaire qui m’intéresse, sa psychologie et ses réactions contre mes attaques, c’est pourquoi je vous disais qu’il y a dans les échecs place à la poésie, car entre deux solutions également logiques, l’imagination choisit.

Évidemment j’ai de la mémoire, j’ai même une mémoire exceptionnelle. Je peux calculer jusqu’à vingt-huit coups d’avance, mais chaque parade de l’adversaire fait naître des combinaisons nouvelles et, en moyenne, je ne prévoie pas plus de cinq ou six coups d’avance. Les échecs sont un jeu merveilleux, dites-le bien, et je constate avec joie sa renaissance en France depuis la guerre. J’y ai ma faible part puisque, contrairement à ce qu’on croit, je suis citoyen français. Je vois des jeunes, des moins de trente ans, qui vont devenir de redoutables adversaires, et je m’en réjouis. Tout n’est pas dit sur les échecs. Ma modeste contribution à l’histoire de ce vieux et illustre jeu a été et sera justement de montrer qu’il y a des combinaisons nouvelles , des problèmes encore non résolus… »

J.-G. Lemoine

La volonté de créer une Fédération Française des Échecs

Pour le centenaire de la Fédération Française des Échecs, j'ai écrit un texte qui relate le cheminement pour arriver à cette création. 
En particulier, le 2ème championnat des amateurs de Lyon (fin juillet 1914) devait se conclure par la formation de cette Fédération Française des Échecs. L'Histoire en a voulu autrement...

Lors de ma visite au fonds Mennerat, j'ai consulté un recueil de bulletins du Cercle Philidor, un des plus importants club d'échecs au début du XXe siècle à Paris, dans lequel se trouve une lettre qui incite les présidents des cercles d'échecs à se réunir pour former une Fédération.

La lettre n'est pas datée explicitement, et elle se trouve reliée avec un bulletin du Cercle Philidor juste après le championnat de Lyon. Il me semble donc possible de la dater du début de l'année 1914.

Voici cette lettre adressée aux présidents des cercles d'échecs en France et dans les colonies.
Elle est signée par les personnalités les plus importantes pour le jeu d'échecs à Paris en 1914, et notamment Eugène Deroste, président depuis sa fondation en 1902 de l'U.A.A.R., Union Amicale des Amateurs de la Régence.

Bulletin du Cercle Philidor - Fonds Mennerat, Belfort

Monsieur le Président,

La question de la création, en France, d'une Fédération nationale des Échecs est de nouveau à l'ordre du jour.
Nous venons vous demander de bien vouloir collaborer avec nous en vue de sa réalisation. 
Le meilleur moyen d'arriver à un résultat pratique nous a paru consister dans la réunion de délégués désignés par les cercles et associations de joueurs d'échecs pour examiner les conditions dans lesquelles pourrait être constituée et fonctionner la Fédération et pour en arrêter les statuts.
Il va sans dire que ces délégués, pour pouvoir participer utilement aux travaux de la réunion, devront résider à Paris ou dans les environs, mais il n'est nullement nécessaire qu'ils fassent partie des cercles qu'ils sont appelés à représenter et votre choix pourra porter sur tout amateur d'échecs, alors même qu'il serait membre d'un autre cercle. 

En ce qui concerne les statuts de la Fédération, voici à titre d'indication et sous réserve des décisions qui seraient prises par la réunion des délégués, quelles pourraient en être les grandes lignes : 
La Fédération aurait pour but de favoriser l'extension et les progrès du jeu d'échecs en France par l'institution d'un championnat amateurs annuel, par l'organisation de matches entre cercles et de tournois et par tous autres moyens de propagande. 
Elle se composerait 1° des associations et cercles d'échecs adhérents qui verseraient une cotisation fixée d'après le nombre de leurs membres sur les bases d'un tarif très modique; 2° des membres participants qui payeraient une cotisation égale à celle des cercles ayant une dizaine ou une vingtaine de membres; 3° de membres honoraires ou donateurs. 


Les Assemblées générales, la constitution du Comité et d'une manière générale, les autres questions de détail relatives à l’organisation et au fonctionnement de la Fédération seraient réglées comme d’usage. 
Nous ne doutons pas que vous ne consentiez à nous seconder dans une entreprise qui intéresse si directement la cause du jeu des Échecs en France et nous vous serions très obligés de bien vouloir nous faire connaitre le nom et l’adresse du Délégué que vous aurez choisi pour représenter votre Association. 
Nous ajouterons que la désignation d'un délégué ne préjuge en rien l'adhésion de votre Société à la Fédération et que vous conservez toute liberté d'adhérer ou non lorsque ses Statuts vous auront été soumis dans leur texte définitif. 
Permettez-nous d’insister, en terminant, pour que votre réponse nous parvienne aussitôt que possible de manière que les délégués puissent se réunir prochainement. 
Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de notre parfaite considération. 

E. DEROSTE, Président de l’Union Amicale des Amateurs de la Régence
Dr. G. MAILLARD, Président de l’Echiquier du Lion de Belfort. 
T. CABROL. Président du Cercle Philidor 
H.DELAIRE Directeur de la « Stratégie »