lundi 14 octobre 2024

Le Café de la Régence mis en vente

Retournons à nos fondamentaux !
 
Durant la première visite de Paul Morphy à Paris (Septembre 1858 à début avril 1859) arrive un triste évènement. Le propriétaire des lieux, Pierre Alexis Delaunay décède brutalement le 20 février 1859.
Cela faisait un tout petit peu plus de 2 ans qu’il était à la tête du célèbre établissement.
M et Mme Gillet reprennent alors brièvement l’établissement dont il s’étaient occupés quelques temps avant M. Delaunay, ceci en attendant un nouveau propriétaire, qui sera Pierre Catelain pendant une quinzaine d’années. Les frères Catelain étaient de célèbres restaurateurs parisiens de l’époque.

Voici un court article que j’ai consacré au sujet de Delaunay
https://lecafedelaregence.blogspot.com/2022/10/precision-sur-un-changement-de.html

Vous avez également ici la liste des différents propriétaires du Café de la Régence
https://lecafedelaregence.blogspot.com/2011/09/les-noms-des-limonadiers.html
Il s’agit d’un de mes tous premiers articles que je continue d’actualiser au fur et à mesure de mes recherches.

On trouve alors au cours du mois de mars 1859 plusieurs annonces au sujet de la mise en vente du Café de la Régence, dans différents journaux, y compris en province !

Par exemple dans « La Gazette de France » du 13 mars 1859
 
 
Café-Estaminet de la Régence
Rue Saint-Honoré, 161, à Paris, à vendre pour cause de décès et de minorité, en l’étude de Me Dumas, notaire, boulevard Bonne-Nouvelle, 8 (Porte Saint-Denis), le lundi 21 mars 1859, à midi – Bail jusqu’au 1er avril 1880.
Mise à prix : 210.000 francs.


Difficile de savoir ce que représente ces 210.000 francs de l’époque par rapport à nos euros actuels, mais la somme est considérable, comme le laisse comprendre la référence suivante..

« Le journal de la ville de Saint-Quentin » du 18 mars 1859 indique :
 
 
D’immenses affiches annoncent depuis quelques jours la vente du célèbre café de la Régence, par suite du décès de son propriétaire. La mise à prix n’est pas peu de chose : Deux cent dix mille francs !! mais aussi l’on a droit au titre du café, à ses souvenirs historiques, à la clientèle et à la propriété du journal des Échecs.
L’affiche ne dit pas si dans les charges imposées à l’adjudicataire, il s’en trouve une qui exige qu’il connaisse le noble jeu inventé par Palamède.


une autre annonce intéressante est celle que l’on trouve dans la « Gazette Nationale ou Le Moniteur Universel » du 25 mars 1859 et que m’a communiqué Dominique Thimognier, que je remercie pour cette découverte. Nous y trouvons quelques détails.
Et il semble que le prix de la mise en vente a été baissé. Nous sommes passés de 210.000 francs à 185.000 francs. Est-ce difficile de trouver un acquéreur ? Il sera intéressant d'aller consulter les archives de ce notaire, Armand Vital Dumas, aux archives nationales pour avoir le fin mot de l'histoire. 
 


Étude de Me Dumas, notaire à Paris, boulevard Bonne-Nouvelle, 8 (Porte Saint-Denis)
Adjudication, pour cause de décès et de minorité, en l’étude et par le ministère de Me Dumas, notaire à Paris, le jeudi 31 mars 1859, à midi.
De l’établissement de limonadier connu sous la dénomination de Café et Estaminet de la Régence, sis à Paris, rue Saint-Honoré, 161. Cette adjudication comprendra :
1° Les titres de Café et d’Estaminet de la Régence ;
2° La propriété du journal La Régence, traitant spécialement du jeu des échecs et faisant suite au journal Le Palamède, et autres recueils publiés par les divers propriétaires du café de la Régence ;
3° La clientèle
4° Le matériel
5° Et le droit au bail des lieux d’exploitation et d’habitation, bail qui doit durer jusqu’au 1er avril 1880. Le tout sur la mise à prix de 185.000 fr. Il y aura adjudication même sur une seule enchère.
Entrée en jouissance de suite.
Nota – L’adjudicataire sera tenu de prendre toutes les marchandises qui se trouveront dans l’établissement au jour de la prise de possession, pour le prix qui en sera fixé à dire d’experts.
S’adresser à Me Dumas, notaire à Paris, boulevard Bonne-Nouvelle, 8 (porte Saint-Denis), dépositaire du cahier des charges.


samedi 5 octobre 2024

Entretien de Frank Hoffmeister par Georges Bertola

Voici l'entrevue de Frank Hoffmeister par Georges Bertola, rédacteur en chef de la revue Europe Échecs et historien du jeu d'échecs.
 
CHESS HISTORY & LITERATURE SOCIETY – FRANK HOFFMEISTER 
 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Frank Hoffmeister préside actuellement la “Chess History & Literature Society” fondée à l’origine sous l’appellation “Ken Whyld Association”. Lors de l’assemblée générale, qui s’est tenue à Budapest les 13 et 14 septembre derniers, se fut l’occasion de faire plus ample connaissance.
 

Georges Bertola : Tout d’abord qu’est-ce qui différencie l’actuelle “Chess History & Literature Society” de l’ancienne “Ken Whyld Association” et qu’est-ce qui la distingue du “Chess Collectors International”?

Frank Hoffmeister :    La dénomination “Ken Whyld Association” provient de l’historien anglais Ken Whyld décédé en 2003, qui avait réuni quelques amis autour de lui pour faire des recherches sur l’histoire des échecs. (Ken Whyld est notamment le co-auteur avec David Hooper d’un ouvrage de référence “The Oxford Companion to Chess”).
 
Ken Whyld
 
Après son décès, ses amis ont décidé de poursuivre son travail en se réunissant dans une association destinée à devenir un cercle de rencontre et d’échange et d’élargir son horizon avec un nouveau nom “Chess History & Literature Society”. L’idée est d’attirer des membres qui ne sont pas centrés uniquement sur le Royaume-Uni, mais dont l’intérêt pour l’histoire correspond à une vision globale du monde des échecs.
  
Le “Chess Collectors International” rassemble des gens qui aiment collectionner des livres, des échiquiers, des pièces, des manuscrits etc. pour faciliter les échanges ou collecter  des informations.  
 
Notre association “Chess History & Literature Society” est plutôt intéressée dans la recherche pour traiter de différents sujets de manière concrète de l’histoire des échecs. Par exemple cette année, lors de notre assemblée générale à Budapest, nous nous sommes concentrés sur l’histoire de la FIDE.   
 
GB : Quelle est la signification d’ajouter le terme “Literature Society”?
 
FH :  C’était dès le début un des grands projets de la “Ken Whyld Association”. Nous disposons d’une base de données “Tobiblion” où les membres trouvent les livres, qui a écrit sur quoi, quand et dans quelle langue. C’est un catalogue électronique sur les jeux, les tournois et notamment les journaux. Les journaux sont particulièrement importants pour les recherches. En général, je ne dispose pas d’articles de journaux dans ma bibliothèque. Lors de mes recherches, je peux consulter la base de données pour vérifier s’il existe des articles intéressants. Découvrir par exemple qu’il existe un article dans un journal suédois cette année-là sur le sujet que j’étudie.
 
GB : Qui gère cette banque de données ?
 
FH : C’est l’association et, plus précisément un de nos membres, Per Skjoldager qui fait ce travail depuis de nombreuses années. Chaque membre reçoit un mot de passe et peut facilement accéder à cette base de données.

GB : Sur le plan du fonctionnement de l’association, c’est avant tout une réunion annuelle ou d’autres évènements sont-ils au programme ?

FH : C’est effectivement une assemblée générale annuelle. Ces trois dernières années nous nous sommes rendus en Italie à Marostica, à Belfort en France et maintenant à Budapest. Mais nous informons également nos membres s’il y a d’autres évènements importants via notre site : https://www.kwabc.org/en/about-us.html
 
Toutes nos activités sont bénévoles, il n’y a aucune rémunération pour les membres qui gèrent l’association. Mettre sur pied un congrès annuel, c’est déjà beaucoup de travail et également le sujet principal de notre réflexion.
 
GB : Qu’est-ce qui est prévu pour 2025 ?
 
FH : Nous avons eu des discussions avec nos membres pour nous rendre en Espagne à Valencia et rendre visite à notre ami  José Antonio Garzon, un historien espagnol reconnu. Un autre projet est de se rendre aux Etats-Unis, mais pour l’option américaine, il faut aussi avoir le soutien de Saint-Louis. Pour l’instant, rien n’est certain. 

À Valencia, nous pourrions combiner la visite avec un évènement sur l’héritage espagnol des échecs qui va être organisé par Garzon.
 
GB :  Lors de la dernière assemblée, plusieurs membres ont proposé Amsterdam, est-ce à l’ordre du jour ?  
FH : Amsterdam reste une destination très intéressante avec le “Centre des échecs Max Euwe”, l’héritage d’un ancien champion du monde. Nous avons aussi un membre, Jurgen Stigter, qui dispose d’une collection impressionnante. Cela reste une option.

GB : Puisqu’il y a le mot littérature dans l’association, est-il prévu de développer plus en profondeur le lien qui existe entre le monde des échecs et celui des artistes. Je pense notamment à Marcel Duchamp, une figure importante du tournoi olympique de Paris 1924 ?

FH : Je réfléchis chaque année sur un sujet et si nous nous décidons sur un sujet comme les échecs et l’Art, ce sera bien sûr un personnage très important. En Allemagne, nous n’avons pas une personnalité de cette envergure, mais il y a beaucoup de joueurs d’échecs qui ont été intéressés par d’autres sujets. Le champion du monde Lasker s’était intéressé aux questions philosophiques et mathématiques. Beaucoup de joueurs se sont intéressés à l’art ou aux sciences. 

GB : Il est donc nécessaire d’élargir l’histoire des échecs en incluant les écrivains, les peintres, les artistes ou les scientifiques pour toucher un plus large public.

FH : Je suis absolument d’accord et pense aussi que les échecs sont une tradition culturelle, qu’ils ont une influence beaucoup plus large qui peut être mise en évidence sans aucun problème.
 
GB : Un sujet passionnant est aussi l’importance du jeu par rapport aux religions. L’un des premiers traités du moine Dominicain Jacques de Cessoles, qui date du XIIIe siècle “Le Jeu des Echecs moralisé”, est un texte au service de la féodalité et de l’ancien régime où chacun doit rester à sa place. Est-ce un sujet qui peut être à l’ordre du jour ?
 
FH : Si l’on va se rendre à Valencia, le sujet général pourrait être « La modernisation des Echecs au XVIe siècle » et, dans ce cas, il y a tous ces aspects qui pourraient faire l’objet de débats et conférences. Pourquoi les règles ont été renouvelées ? Pourquoi la Dame est devenue tellement puissante à partir de Lucena ? Quelles sont les thèses ou les explications ? Un sujet historique celui d’Isabelle la Catholique qui était le symbole d’une femme forte, même dominante à laquelle on a conféré plus de pouvoir au côté du Roi. C’est une thèse soutenue par plusieurs historiens. D’autres historiens l’apparentent plutôt à la symbolique de la Sainte Vierge.

GB : Aujourd’hui que représente l’association “Chess History & Literature Society”. Combien de pays, combien de membres ?

FH : Je suis à la tête de l’association depuis trois ans et à l’époque j’ai hérité d’une association quelque peu en sommeil. Pour relancer l’association, il a fallu créer des activités qui intéressent tous les membres. Nous avons enlevé ceux qui n’étaient plus actifs et qui ne payaient plus leurs cotisations. À ce jour, nous avons plus de 90 membres actifs, la plupart se situent en Europe et quelques Américains. Des personnalités de dimensions internationales telles que Youri Averbakh et Lothar Schmid ont fait partie de notre association. Pour notre congrès ici à Budapest, des membres de la France, de l’Allemagne, de la Belgique, de la Suisse, de la Suède, du Danemark, de l’Irlande, de la Serbie et le Président du Comité historique de la FIDE, Willy Iclicki, sont venues. Bien sûr, aujourd’hui avec les Russes ce n’est pas facile. Toutefois notre but est d’être une association ouverte à tous les historiens ou amateurs de l’histoire des échecs du monde entier. Nous sommes à la recherche de membres plus jeunes, moi-même j’ai 54 ans et j’encourage tous ceux, qui sans être des experts, à nous rejoindre. L’histoire des grands joueurs, leurs contributions échiquéennes ou dans la vraie vie, les liens entre les différents pays qui ont pu être tissés grâce aux échecs, si tout cela les intéresse, ils sont les bienvenus. Ils peuvent nous contacter par courriel. Nous avons décidé de créer un groupe WhatsApp pour faciliter le contact des membres entre eux. C’est un de mes objectifs de créer une plateforme où il y a de la confiance, que l‘on puisse avoir des collègues et partager les connaissances, une plateforme d’échange internationale.
 

Georges Bertola
Budapest le 15 septembre 2024   
     



vendredi 4 octobre 2024

L'adhésion de l'Allemagne et de l'Union soviétique à la FIDE

Frank Hoffmeister, président de l'association CH&LS, a retracé le parcours de l'adhésion de l'Allemagne et de l'URSS à la FIDE.
Deux pays à l'histoire tumultueuse au XXème siècle, tumulte que l'on retrouve dans leurs relations vis-à-vis de la FIDE.
 
Stefan Löffler et Frank Hoffmeister
 
Voici un extrait du texte de présentation de l'assemblée générale des 13 et 14 septembre 2024.

La première conférence de la journée du samedi fut celle du Prof. Frank HOFFMEISTER sur les trois adhésions de la Fédération allemande des échecs à la FIDE : en tant que « Deutscher Schachbund », retardée en 1926 après la fondation de la FIDE en raison de la Première Guerre mondiale, une deuxième fois en 1938 en tant que Fédération allemande des échecs dont la succession automatique à la DSB a été contestée au sein de la FIDE en raison du paragraphe aryen, et une troisième fois en 1950 avec deux fédérations (une en Allemagne de l'Ouest après une dénazification hésitante et une en Allemagne de l'Est après la prise de contrôle soviétique).

La deuxième partie de l'exposé portait sur l'admission de l'Union soviétique, qui n'a eu lieu qu'en 1947. Hoffmeister a montré que la motivation principale était d'établir Botvinnik, fidèle au régime, comme champion du monde. Cela peut également expliquer que les « 6 de Winterthur » (c'est-à-dire Botvinnik, Smyslov, Keres, Reshevsky, Fine et Euwe, qui avaient été nommés par le congrès de la FIDE) se soient mis d'accord en septembre 1946 pour ne pas jouer à Prague, où Najdorf l'a emporté.
 
Malgré l'accord précédent selon lequel le vainqueur de l'accord de Prague aurait le droit de participer au prochain match de championnat du monde, le congrès de la FIDE à La Haye à l'été 1947 en a décidé autrement. Cette décision a également ouvert la voie à l'adhésion de l'Union soviétique à ce même congrès et à la promesse d'organiser le championnat en 1948 à La Haye et à Moscou. Botvinnik ayant remporté le tournoi en temps voulu, le plan a été couronné de succès et a marqué le début de la domination soviétique sur la Fédération mondiale des échecs.  Stefan LÖFFLER a abordé le sujet d'un point de vue autrichien, soulignant la nécessité pour la Fédération autrichienne de s'accommoder de la présence américaine et soviétique dans le pays jusqu'en 1955. 
 

 

mercredi 2 octobre 2024

Lettre manuscrite de Nimzowitsch

Cette assemblée générale est également l'occasion pour nos membres de présenter des documents de leur collection.
Ainsi, Claes Løfgren, a présenté une remarquable lettre manuscrite d'Aaron Nimzowitsch et l'a remise dans son contexte. On peut voir qu'il manque une partie du document, Claes m'a expliqué qu'il est probable que l'autographe de Nimzowitsch a été découpé avant l'acquisition de cette lettre.

Claes Løfgren et Frank Hoffmeister

Voici un extrait (corrigé - la partie jouée est bien celle de Nimzowitsch) du texte de présentation de l'assemblée générale des 13 et 14 septembre 2024.

Après la pause-café, le secrétaire général de l'association, le Danois Claes LOFGREN, a présenté une lettre de NIMZOWITSCH envoyée à l'éditeur d'un journal d'échecs danois. Dans une édition précédente, NIMZOWITSCH avait critiqué un coup discutable d'une partie jouée par lui-même contre un compatriote danois. Lorsque le président du club d'échecs, dont les joueurs avaient été critiqués, a protesté contre ces remarques, il est allé jusqu'à suggérer que le rédacteur en chef de la revue fasse preuve d'un certain contrôle. Cela a incité le grand maître à mettre en garde contre toute forme de censure dans les revues d'échecs, dans un style typiquement « nimzowitschien ».